Sujet à la une
L'affaire Jon Anza s'impose à Paris
17/04/2010
ENTRETIEN/ Gabi MOUESCA / Chargé de mission «prisons" à Emmaüs et membre du Collectif Jon Anza
C'est aujourd'hui à 17 heures que doit avoir lieu la manifestation organisée par le Collectif Jon Anza à St-Jean-de-Luz et qui démarrera de la Place Louis XIV. Manifestation pour «exiger la vérité» sur la disparition et la mort du militant basque, dont le corps a été retrouvé à la morgue de Toulouse le 11 mars dernier. Selon la version officielle il serait mort le 11 mai 2009 à l'Hôpital Purpan de cette même ville. Seule certitude le 18 avril 2009, Jon Anza prit le train en gare de Bayonne pour se rendre à Toulouse. Cela sera la dernière fois que ses proches le verront vivant. Depuis sa famille et ses amis se sont démenés pour savoir ce qu'il était advenu de lui. Jusqu'à l'apparition de sa dépouille dans des circonstances troubles et inexpliquées. Dix mois après sa mort supposée. Entre-temps, le 20 mai 2009, ETA indiquait dans une note que Jon Anza avait un rendez-vous avec l'organisation armée, à qui il devait remettre une somme d'argent. Rendez-vous auquel il ne se rendra pas. Et ETA d'affirmer que derrière ce qui s'annonçait déjà comme une disparition, se cachait une action de «guerre sale.» C'est donc pour rompre le silence, entourant souvent ce genre d'affaires, que d'aucuns souhaitent ne jamais voir élucidées, que le Collectif Jon Anza appelle à manifester dans la ville de St-Jean-de-Luz. Où la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie occupe le poste de première adjointe à la municipalité. Vérité et justice seront au centre de cette manifestation. Abertzaleen Batasuna, Aralar, Batasuna, Eusko Alkartasuna et le Nouveau Parti Anticapitaliste se sont rassemblés pour appeler à y participer. Plus de 70 élus ont également souscrit à l'appel, ainsi que le syndicat LAB, les mouvements Segi, Askatasuna, Autonomia Eraiki, les travailleurs de Sokoa (collègues de Jon Anza), le chanteur Fermin Muguruza et une quarantaine de bertsulari. «La vérité ne connaît pas de couleur politique» ont lancé les organisateurs de la manifestation. Nous avons interrogé Gabi Mouesca qui est membre du Collectif Jon Anza à ce sujet
Quel sentiment vous inspire l'action réalisée par plusieurs militants qui ont déployé une banderole sur l'Arc de triomphe ? Et où l'un d'eux a été blessé?
A l'évidence on est face à une action qui s'inscrit dans la volonté des personnes qui veulent savoir ce qui s'est passé. Nous voyons bien qu'il y a une demande sociale forte de plus en plus partagée. Il y a bien sûr la tristesse de savoir qu'une personne a été blessée. Et nous attendons d'avoir plus de détails.
Que pensez-vous de la version officielle sur l'affaire Jon Anza tendant à accréditer une cascade de dysfonctionnements, tant au niveau de l'enquête comme sur les réponses apportées par l'administration ?
Il faut rappeler que cette affaire s'est déroulée sur le territoire de l'Etat français qui comme on le sait, brille par son «excellence» en matière de police et de justice !
Mais personne de sensé au Pays Basque ne croit à cette version. Juste pour cet événement gravissime, rien n'aurait fonctionné normalement et tout aurait été une succession de hasards malheureux. Pas une seule personne peut croire à cela !
Un des slogans de la manifestation d'aujourd'hui organisée par le Collectif Jon Anza sera «Nous voulons la vérité.» Comment réussir à obtenir cette vérité ?
Tout d'abord clamer que «nous sommes tous des Jon Anza en puissance.» Rappelons qu'il n'y a pas que les partis politiques qui appellent à manifester, mais de nombreux élus et associations. Car tout le monde doit se sentir concerné, que cela soit pour des raisons politiques ou humanitaires, tout le monde se retrouve autour de cette recherche de la vérité. Il faut se mobiliser et c'est une conception purement citoyenne qui amène à cette mobilisation. Au-delà du cas tragique du militant Jon Anza, il faut mettre en question le fonctionnement de l'Etat français. Et notre conviction est de plus en plus forte : Jon Anza a été victime d'un acte illégal provoqué par des représentants de services étrangers sur le sol français. Et tous les citoyens, qu'ils soient ou non abertzale, doivent connaître les faits et la vérité. Et surtout, ce qui permet, que de tels événements puissent se produire.
Vous estimez donc que cette revendication de recherche de la vérité doit dépasser la sphère du monde abertzale ?
De fait, cette exigence de vérité concerne tout un chacun. C'est une exigence citoyenne. et cela dépasse les limites du monde abertzale. Nous devons exiger des réponses de l'Etat français et de l'Etat espagnol. Car cette affaire démontre que des Etats qui se revendiquent démocratiques, peuvent poser ou couvrir de tels actes.
Neuf militants ont été libérés hier soir, un autre se trouvait à l'Hôpital après l'action qu'ils ont menée à Paris : Plusieurs militants basques ont déployé une banderole hier matin vers 10 h 30 en haut de l'Arc de Triomphe à Paris. Ils se sont arrimés à la façade de l'édifice et sont descendus en rappel du toit du monument, jusqu'au premier parapet, face à l'avenue des Champs-Elysées. Ils ont déployé une banderole rédigée en français et en anglais, où l'on pouvait lire : «PSOE UMP : Qu'avez-vous fait de Jon Anza.»
Selon un communiqué envoyé à notre rédaction par les jeunes militants, «lorsque les policiers sont arrivés ils ont détaché une première personne malgré ses avertissements. Une seconde personne, qui était reliée par la même corde, n'étant plus retenue, a chuté de 20 mètres.» Il s'agit d'un jeune militant de 29 ans. Atteint de fractures aux chevilles et d'un traumatisme crânien il a été admis à l'Hôpital Georges Pompidou et son pronostic vital ne serait pas engagé. Par ailleurs, selon le service de presse de la Préfecture de Police de Paris, neuf jeunes gens ont été gardés à vue toute la journée d'hier au commissariat du 8e arrondissement, puis mis en liberté dans la soirée. «Une enquête serait en cours» a ajouté la Préfecture de Police.
Le site internet de l'hebdomadaire L'Express indiquait pour sa part «que les militants ont été mis en garde à vue pour violation de sépulture et violence volontaire, après avoir malmené une employée du site qui tentait de les empêcher de mener leur action.»
Plusieurs rassemblements devaient avoir lieu hier soir à Hendaye, Larceveau et Bayonne, afin de protester contre ces arrestations, ainsi que celles perpétrées par la Guardia Civil au Pays Basque Sud et qui est toujours ouverte. L'action à Paris intervient pratiquement jour pour jour, un an après la disparition de Jon Anza et 48 heures avant la manifestation qui doit se dérouler aujourd'hui à St-Jean-de-Luz.
Béatrice MOLLE
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