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INTERVIEW AU COLLECTIF DES  PRISONNIERS POLITIQUES BASQUES
 13 avril 2012
 
 Comment est formé le  Collectif des Prisonniers Politiques Basques (CPPB) ? Quel est son travail ?  Comment la nouvelle équipe d’interlocuteurs a-t-elle été choisie ?  
 
 Marixol IPARRAGIRRE  : Le Collectif est formé des personnes  emprisonnées pour avoir lutté pour la liberté d’Euskal Herria. Dans chaque phase  de la lutte de libération, les prisonniers politiques basques ont eu une  organisation spécifique dans la prison. Pendant le franquisme et les premières  années de transition, il y avait dans les prisons les membres de différentes  organisations politiques et armées, ils se réunissaient et organisaient leur  communauté en fonction de l’organisation de chacun. Avec le temps, le Collectif  est devenu l’organisation d’une majorité de personnes liées à ETA. Ces dix  dernières années, cependant, au fur et à mesure de l’accroissement de la  répression, ils ont emprisonné des personnes d’organisations au travail et de  domaines très différents de la société. Le Collectif a su refléter cette  réalité comme on a pu le voir lors du débat de 2003. La mission  principale du Collectif est de soutenir face à l’administration pénitentiaire,  en garantissant nos droits, toute personne emprisonnée pour la lutte pour la  liberté d’Euskal Herria et lui donner l’opportunité de poursuivre son action  politique au-delà des limites imposées par la prison, en approfondissant son  éducation personnelle et en l’aidant à maintenir le lien avec Euskal Herria.  
 
 Jon OLARRA : Notre engagement politique ne s’arrête pas en prison,  nous continuons à lutter selon nos moyens pour notre peuple, organisés en  Collectif. Dans le débat que nous avons entamé début 2011, en plus de définir la  ligne politique et de rénover l’organisation, nous avons vu qu’il fallait  renouveler ceux de ses membres qui porteraient la parole du Collectif pour  répondre à une époque et à une situation nouvelles. Ont été choisis comme  interlocuteurs du Collectif Mikel Albisu, Marixol Iparragirre et Lorentxa Guimon  dans l’État français et Jon Olarra, Xabier Alegria et Anabel Egues dans l’État  espagnol. Quatorze autres compagnons, sept dans chaque État, ont été choisis  comme groupe annexe à ces six porte-parole. Nous avons aussi nommé un Groupe de  Soutien pour garantir la nature d’acteur politique des interlocuteurs que nous  sommes hors de la prison. 
 
 Les prisonniers ont-ils  accueilli cette nouvelle époque avec optimisme ? 
 
 Mikel ALBISU  : En prison, nous sommes habitués à  filtrer les sentiments immédiats avec le tamis de la distance, qu’il s’agisse de  joie ou de tristesse. Personne ne peut avoir plus envie que nous de sortir de  prison. Et personne ne sait mieux que nous à quel point ce chemin est plein de  difficultés. Nous recevons toujours avec joie et espérance chaque pas réalisé  dans la lutte de libération. Et c’est aussi comme ça que nous recevons celui-ci.  Nous nous rendons parfaitement compte que ceux qui identifient le conflit à la  disparition d’ETA ont été meurtris, qu’ils sont en colère et encore plus  effrayés par les pas qui sont en train d’être faits par la gauche abertzale et  dans la lutte de libération. Il semble que cela les mène à torpiller le  processus et cette nouvelle période de quelque façon que ce soit. Et pour tous  ceux qui apparaissent comme ennemis de la résolution, il semble qu’il n’y ait  pas de meilleur trophée de chasse que nous, les prisonniers politiques basques,  pour atteindre cet objectif. 
 
 Anabel EGUES  : En nous punissant, ils voudraient  punir l’ensemble des citoyens basques et, si possible, faire dérailler le  processus. La maturité dont la gauche abertzale et l’ensemble des citoyens  basques ont fait preuve ces derniers mois nous conduit à contempler cette  nouvelle époque avec plus d’optimisme. Avec une espérance tranquille et  inébranlable. Nous recevons les défis de cette nouvelle ère avec responsabilité  et honnêteté. C’est le moment de faire des pas importants pour renforcer la  conscience nationale et activer des forces pour matérialiser les droits qui nous  reviennent, et nous sommes disposés à mettre le capital du Collectif dans cette  direction. 
 
 La décision prise par ETA le  20 octobre dernier change inévitablement le point de vue du CPPB ?  
 
 M.I. : Il n’y a pas que la décision de ETA qui change le point  de vue du Collectif. La réflexion menée par toute la gauche abertzale, y compris  par nous, comporte en elle-même le changement nécessaire des revendications  autour des prisonniers et du point de vue du Collectif. Ce n’est pas un secret :  lors des processus de dialogue ou de négociation, les gouvernements mettaient le  sujet des prisonniers sur la table pour ne pas affronter les véritables racines  du conflit. C’est tout le contraire qui est en train de se produire : en faisant  obstacle au règlement de la question des prisonniers, ils essaient de freiner le  processus. 
 
 J.O. : La décision de ETA a créé un nouveau scénario pour tout  le monde. Cela a été une conséquence de plus de l’engagement dans ce pari  politique, ce n’est pas arrivé du jour au lendemain. Savoir que le témoin de la  lutte de libération est entre les mains de toute la société basque, plus qu’un  changement de point de vue, requiert un niveau de responsabilité de même  dimension, et nous influence donc directement. Plus que jamais, ils utilisent le  Collectif comme otage politique, ils veulent se servir de nous comme monnaie  d’échange pour mettre en scène une victoire. 
 
 Le Collectif a signé  l’Accord de Gernika le 25 septembre dernier. Quelle valeur donnez-vous à cet  Accord pour l’avenir ? 
 
 M.A. : Ce pacte nous montre où poser les premiers piliers  après le dépassement du conflit. L’Accord est un point de départ, un outil de  travail efficace en ce qui concerne l’accumulation de forces, il répond à un  besoin et souligne la nécessité d’un accord politique qui ait la résolution du  conflit pour objectif ainsi que l’engagement de la faire respecter. 
 
 A.E. : L’Accord de Gernika est pour nous le principal référent  politique dans la voie de la résolution démocratique, et recherche une large  adhésion sociale et politique. Il faut continuer de l’étendre et de le renforcer  pour obtenir que l’État s’engage dans le parcours de la résolution démocratique,  pour mettre un conflit, qui ne dure pas depuis 50 ans mais depuis au moins 500  ans, en voie de résolution. Le Collectif a sa place là-dedans de façon naturelle  et c’est pour cela que nous signons nous aussi l’Accord. En ce qui concerne la  situation des prisonniers, l’Accord défend nos droits sans chantage.  
 
 Quelles sont les situations  les plus dures aujourd’hui pour les prisonniers ? Et quelles en sont les  conséquences ? 
 
 M.I. : En tant que personnes, et en tant que  prisonniers politiques, nos droits les plus essentiels sont violés. Ils  reconnaissent notre nature politique, dans la mesure où ils nous punissent  collectivement, et ils nient en même temps notre identité et nos besoins  politiques. Les situations les plus extrêmes sont connues, surtout celles des  compagnons qui souffrent de graves maladies. Il y a aussi celles de ceux qui ont  fini leur peine et qui la voient rallongée injustement. Il y a la dispersion,  une mesure qui nous affecte tous, d’une façon ou d’une autre. Pour nous, le plus  dur est de voir souffrir notre famille et nos amis. 
 
 J.O. : Dans le cas des prisonniers politiques basques, les  châtiments supplémentaires s’ajoutent d’eux-mêmes, parce que l’objectif est de  nous détruire, s’ils n’y arrivent pas politiquement, du moins physiquement. Ceux  qui ont dessiné et qui exécutent cette politique pénitentiaire contre les  prisonniers politiques basques savent très bien ce qu’ils font. Ce sont là, par  conséquent, nos graves urgences, les urgences de notre peuple ! 
 
 Par où faudra-t-il commencer  le changement de politique pénitentiaire ? 
 
 M.A. : La politique pénitentiaire correspond à une stratégie  d’oppression. C’est aux États de désactiver cette structure oppressive.  Désactiver toutes les mesures d’exception et respecter les droits qui sont les  nôtres entraînera en soi un changement évident. Dans la mesure où nous avons  fait dans cette phase le pari d’affronter le conflit depuis une perspective  démocratique, il est indispensable que la politique pénitentiaire s’y ajuste  aussi. Nous devons leur montrer que ce qui a été un instrument de guerre est  désormais inacceptable. Mais ils savent que le plus petit pas qu’ils feront  alimentera le processus et impulsera le nouveau scénario. C’est là que le bât  blesse ! 
 
 A.E : Nous venons juste de recevoir la décision du Tribunal  Constitutionnel espagnol, revêtu d’un déguisement juridique, qui confirme la  mesure qui maintient derrière les barreaux et sans aucune honte près de 80  compagnons séquestrés depuis 2006. Avec cette décision, L’Espagne a fait un pas  de plus dans l’attaque contre les prisonniers, et cela au moment où la décision  de la gauche abertzale, notre société et les voix internationales exigent d’elle  qu’elle prenne une autre direction politique. C’est un pas contre le processus  en cours. Une attaque frontale contre la parole et la volonté de ce peuple, dans  la mesure où ils confirment la condamnation à perpétuité et renforcent la  politique pénitentiaire elle-même. A travers ces paroles, nous voudrions faire  parvenir notre salut le plus chaleureux et notre soutien le plus énergique à  tous les militants qui subissent ce long et pénible emprisonnement. 
 
 Le sujet des prisonniers  est-il prioritaire dans le processus de résolution général ? 
 
 J.O : Nos objectifs étant l’autodétermination et l’amnistie,  les thèmes qu’il faut affronter et solutionner pour résoudre le conflit, qu’on  le veuille ou non, sont clairement définis : les racines du conflit et les  conséquences du conflit. Dans cette voie, commencer aujourd’hui même à libérer  les prisonniers et à permettre le retour des exilés serait un pas indispensable.  Cela supposerait un pas qualitatif dans l’ensemble de la résolution du conflit  politique. 
 
 M.I. : Donner des solutions aux conséquences du conflit est  quelque chose que nous situons dans la première phase du processus démocratique,  étant entendu que cela impulserait le processus politique et ouvrirait de  nouvelles opportunités. Par conséquent, la priorité étant de donner une solution  au conflit, la résolution de la question des prisonniers devrait être vue par  tous les acteurs – y compris les gouvernements de la France et de l’Espagne –  comme un appui pour avancer dans cette direction. Le CPPB travaille actuellement  dans cet esprit. 
 
 Comment le Collectif voit-il  la revendication de l’amnistie ? Quelle est son opinion sur les déclarations des  mandataires espagnols qui affirment qu’il n’y aura pas d’amnistie ou de grâce  collective ? 
 
 M.A. : Les mandataires espagnols cherchent à répandre le  découragement dans la société basque, pour laisser pourrir l’approche selon  laquelle le déblocage de la situation des prisonniers ferait prendre au  processus un chemin adéquat et irréversible vers une résolution intégrale. Ils  cherchent à modérer comme ils peuvent la vitesse du processus. Ils pensent que  nous, les prisonniers, sommes l’instrument approprié pour cela, comme otages de  l’État. Ils sont en train de chercher un scénario dans lequel, plutôt que de  passer par une porte, nous devrons passer par un entonnoir à l’extrémité  toujours plus étroite, si étroite qu’il est impossible d’y passer sans  s’incliner et s’agenouiller. Mais pour le moment, en disant ce qu’ils ne feront  pas, et en rendant chaque jour plus imbuvable la recette de ce que nous devrions  faire nous, il ne font que compliquer et fragiliser leur position.
 
 A.E : Nous sommes partisans de l’amnistie, mais elle sera  stérile, comme en 1977, s’ils n’affrontent pas les raisons du conflit politique,  c’est pour cela que nous disons que le processus est intégral. L’amnistie peut  être un processus dynamique jusqu’à obtenir la situation démocratique qui  reconnaisse le droit de décider. L’amnistie, nous l’obtiendrons au fur et à  mesure que le processus avancera, qu’ils commencent maintenant en débloquant les  situations les plus graves ! 
 
 Comment et quand voyez-vous  la libération des prisonniers ? Il semble qu’un débat s’est ouvert sur la  question de savoir si la sortie doit être individuelle ou collective. Le CPPB  accepterait-il la formule employée en Irlande, c’est-à-dire une sortie  collective matérialisée au cas par cas ? 
 
 M.I. : Au moment de projeter sa sortie, la personne prisonnière  a une énorme responsabilité, en raison de l’espoir ou de la déception  qu’engendre ce rêve qui se réalisera un jour. Les années de prison et l’âge de  chacun sont aussi des facteurs à prendre en compte. En ce qui concerne le CPPB,  il n’y a pas de sortie individuelle ; quand un membre du Collectif sort seul, il  sort en étant aussi une composante d’un collectif. Nous avons fait face à la  prison et nous avons mené notre militance en étant membres d’un collectif, et  c’est aussi comme membres d’un collectif que nous franchirons la porte de la  liberté. 
 
 J.O : Ils prennent des mesures collectives contre le CPPB,  montrant ainsi l’hypocrisie du traitement individuel. Il faudra désactiver la  situation actuelle, et la solution sera collective ou ne sera pas. En Irlande,  ils sont arrivés au moment de se poser cette question dans d’autres conditions.  Après l’accord politique du Vendredi Saint, donc après la levée de l’imposition  politique, une commission internationale indépendante avait analysé quand et  comment se déroulerait la libération du Collectif. Dans notre cas, nous devons  construire notre propre modèle. En suivant le schéma de la négociation d’Anoeta,  nous sommes situés dans l’espace de négociation entre l’organisation armée et  les États, et un large accord amènera la libération. Nous donnons à ETA notre  reconnaissance pour les pas qui peuvent être faits, dans l’espace qui lui  correspond, au sujet de la situation des prisonniers et des libérations.  
 
 L’attitude du PP et du  gouvernement espagnol correspondent à de vieux schémas. Mais comment les changer  ? 
 
 M.A. : Il est clair qu’ils s’enferment dans le vieux schéma  vainqueur/vaincu et qu’il n’y a pas la moindre trace d’une intention de  s’engager dans une phase qui puisse apporter la résolution. Ils agissent  actuellement avec de vieux schémas dans une époque nouvelle. Cependant, le coût  politique en Euskal Herria pour les partis qui ont utilisé ou défendu la  stratégie répressive est évident. Mais le résultat dépendra de ce que nous  ferons. L’ennemi voudra mettre en scène une résolution médiocre, à nous de  définir les véritables racines du conflit politique et de les soutenir fermement  pour mener notre peuple aux portes de l’indépendance. 
 
 A.E. : Depuis la prison, nous réaffirmons que l’engagement que  nous avons envers le processus de libération est total. Par les initiatives de  la rue, il faut mettre en lumière l’attitude de ceux qui s’entêtent dans le  refus. Au niveau international aussi, plus d’un regard suivra avec une grande  attention tout ce qui se passe, et cela peut donner une grande impulsion au  processus. 
 
 Comment le CPPB analyse-t-il  la capacité de mobilisation et l’engagement montrés par la société basque avec  la manifestation du 7 janvier et en général ? 
 
 J.O : Cela a été un cadeau inoubliable pour commencer  l’année. Avec admiration et avec fierté, ça a été une démonstration énorme. Nous  ne pouvons que l’applaudir. Cependant, la joie ne nous aveugle pas, parce que  l’absence de certains acteurs politiques était patente à Bilbao, et depuis, la  position de ceux qui ont refusé d’y participer est très affaiblie. Même si une  mobilisation de cette ampleur est une grande satisfaction, il est indispensable  de continuer à travailler, chacun s’organisant dans les structures de son  village ou de son quartier. 
 
 M.I. : Voir des milliers et des milliers de citoyens basques  dans les rues de Bilbao nous a remplis de joie. Grâce à l’engagement de ces  milliers de personnes et au travail accumulé durant des années, le mouvement  Herrira est né. De village en village, de quartier en quartier, en poussant tous  ensemble, nous parviendrons à faire bouger ce qui pour le moment semble  inamovible. 
 
 Y a-t-il un sentiment  d’anxiété autour de l’espérance d’être libéré ? Que diriez-vous aux familles à  ce sujet ? 
 
 M.A. : Il faut écarter le désespoir et l’espérance aveugle,  les deux. Nous savons pourquoi ils nous ont arrêtés, nous savons pourquoi ils  nous appliquent ce régime carcéral brutal, et nous savons aussi que notre  libération est étroitement liée au dépassement de la situation d’oppression que  vit Euskal Herria. C’est le peuple qui nous sortira. 
 
 A.E. : Que dire aux familles ? Que nous avançons ensemble dans  ce chemin. Comment pourrions-nous faire face à cette situation sans eux ? Plus  que dire, nos proches voient en nous le reflet de notre opinion sur le processus  de libération. En cela, nous avons une grande responsabilité, travaillant notre  militance politique et approfondissant notre éducation personnelle, même dans  les conditions les plus difficiles. La liberté est notre phare, et depuis la  minute où ils nous ont arrêtés, notre esprit est tourné dans cette direction. «  Ilunpetan bizi denak argia amets » (« Qui vit dans les ténèbres rêve de la lumière  »). 
 
 Que demandez-vous  concrètement quand vous revendiquez le droit de participer au processus de  résolution ? 
 
 M.I. : Nous sommes partie et conséquence du conflit politique,  et pour cela nous revendiquons le droit de participer au processus en tant que  Collectif. Ils nous gardent en prison pour notre engagement politique, et par  conséquent nous revendiquons le droit de participer à la réalité de notre peuple  en tant que Collectif. Pour cela, nous réclamons le statut politique, pour  réaliser notre travail politique dans les conditions les plus adéquates  possibles. Pendant notre enfermement, chacun de nous fait des efforts pour  participer à la vie politique de notre peuple, mais notre revendication va plus  loin, nous voulons continuer à être politiquement actifs dans la rue.  
 
 J.O. : Nous devons être ramenés en Euskal Herria maîtres de  tous nos droits, nous mettons au service de notre peuple ce que nous sommes et  ce que nous avons, parce que nous croyons avoir notre mot à dire. Tout le monde  parle de nous, de quelle politique il faut nous appliquer, quelles urgences nous  avons, dans quelle situation nous vivons… quand personne ne le sait mieux que  nous ; avec ce groupe d’interlocuteurs, nous avons notre propre voix.  
 
 Dans cette nouvelle époque,  des demandes de remise en liberté ont été faites pour ceux qui sont malades ou  qui ont fini leur peine. Une demande de rapatriement pour tous a également été  faite. Pourquoi maintenant ? Et quel type de réponse avez-vous reçu ?  
 
 M.I. : La demande a été faite officiellement par tous les  membres du Collectif, parce qu’il nous a semblé que c’était le moment opportun  pour que les gouvernements fassent des pas autour des situations extrêmes qui  existent au sein du Collectif. De plus, ces demandes ont été une démonstration  de notre volonté et de notre détermination à participer au processus de  résolution. En faisant ces demandes, nous avons tendu une main aux États. Ils  n’ont pas voulu la prendre. Si la réponse a été négative en Espagne, en France  ils n’ont même pas répondu. C’est surprenant, parce qu’ils doivent décider ce  qu’ils vont faire sur la question des prisonniers dans le chemin de la  résolution du conflit, mais loin de changer de direction, ils continuent  d’approfondir la voie répressive. Nous réitérons ces demandes chaque mois dans  chaque prison. 
 
 A.E : Pour notre part, nous avons mené une période de lutte  du 9 au 13 janvier dans toutes les prisons, d’un côté pour défendre les  initiatives lancées à la fin de l’année et de l’autre pour soutenir la  mobilisation populaire générale de Bilbao. 
 
 L’Assemblée Nationale  française a approuvé l’option du rapprochement des prisonniers. Comment  analysez-vous, en général, la position de la France sur ce terrain ?  
 
 M.A : La France a respecté à la lettre les modèles que les  autorités pénitentiaires espagnoles leur ont fait parvenir : isolement,  dispersion, éloignement, toujours ajustés au système carcéral français, qui est  différent de l’espagnol. L’attitude de la France est plus grossière. Ça fait  bien longtemps qu’elle n’est plus une simple comparse des espagnols. Elle  dissimule la répression qu’elle exerce sur le territoire basque qui est sous sa  domination en affirmant que le problème basque est un problème de l’État  espagnol. Bien qu’il ne faille pas perdre l’espoir d’avoir des surprises, il ne  semble pas qu’au-delà des déclarations la France ait l’intention de prendre en  mains le problème des prisonniers. 
 
 A.E. : Des politiques de tous les partis de Lapurdi,  Baxe-Nafarroa et Xiberua montrent leur préoccupation quant au thème des  prisonniers et à celui de la résolution du conflit. Le travail de fourmi mené  sans cesse par les groupes de soutien aux prisonniers et les succès qui ont été  obtenus méritent un coup de chapeau. Et les changements de position obtenus de  l’État français, bien qu’il ne s’agisse que de déclarations, laissent le  gouvernement du PP de plus en plus isolé dans son attitude. En tous cas, nous ne  pouvons que conclure que ce qui compte, ce sont les pas et les actions.  
 
 Croyez-vous que les États  peuvent utiliser la question des prisonniers pour déformer, retarder ou même  laisser pourrir le processus de résolution ? 
 
 M.A. : Des récentes réponses, il ressort de façon plutôt  évidente que c’est exactement la tactique mise en marche pour le moment, du  moins par l’État espagnol. Ils utilisent la question de certaines des victimes  comme une arme contre la forte demande de la société basque au sujet des  prisonniers, ils veulent mettre les victimes comme barricades dans le chemin de  la résolution, dans l’espoir de freiner la vague en faveur des prisonniers et  que le processus échouera ou sortira de ses rails. Peut-être veulent-ils ainsi  gagner du temps pour répondre aux racines du conflit et chercher la solution,  mettant la gauche abertzale dans une situation inconfortable. Dans tous les cas,  ce n’est pas une attitude responsable. 
 
 J.O. : Comme ils ont peur de faire des pas politiques, ils  cherchent à retarder les pas sur le terrain des prisonniers. Cependant, ils  savent que tôt ou tard ils devront se préoccuper des bases du conflit. Ceci leur  donne l’opportunité d’avancer dans leur discours idéologique, congelant le  processus et le vidant de tout contenu… C’est là qu’on peut situer le Pacte  d’État signé au Parlement espagnol par le PP, le PSOE et le PNV. C’est notre  responsabilité à tous de ne pas les laisser se perdre la nouvelle ère historique  qui s’est ouverte en Euskal Herria. Il faut se joindre à cette lutte de chaque  jour, affrontant le défi tous ensemble avec force, espoir et détermination,  parce que les pas d’aujourd’hui sont les nouvelles options de demain. Il est  indispensable de maintenir vive une forte dynamique populaire. C’est là que se  situent les mobilisations de mars, qu’il s’agisse des droits des femmes, de  l’officialisation de l’euskara ou de la très réussie grève générale des  travailleurs. Nous soutenons toutes les revendications et dénonciations et nous  appelons à ce qu’elles soient de plus en plus puissantes et efficaces.  
 
 Avez-vous eu des contacts  avec les gouvernants espagnols ou français ? 
 
 M.I. : Non. Les dernières relations directes se sont produites  dans le contexte du processus de 2006. Nous profitons de cette interview pour  lancer un appel aux responsables des deux gouvernements, français et espagnol,  pour qu’ils se réunissent avec les porte-parole du CPPB et que nous parlions du  respect de nos droits et leur matérialisation. Nous les appelons à  agir avec sérieux, à entrer en contact avec nous. S’ils respectent nos droits  essentiels, nous sommes prêts à parler et à faire des pas, nous avons pour cela  le mandat du CPPB. 
 
 Il est évident que la  politique pénitentiaire n’a pas fait disparaître le Collectif. Cependant,  combien de coups reçus ? Il y a beaucoup de prisonniers, une dispersion énorme,  de graves cas d’isolement, 62 prisonniers qui sont enfermés depuis plus de 20  ans… Quel effet tout ceci a-t-il ? 
 
 A.E : Rester fermes est notre première victoire. Le coût de  la cohérence politique, ça a été la vie de certains de nos compagnons, et cela  nous fait tous souffrir. Le poids de la vulnérabilité est grand, dans les  situations d’isolement, dans les transferts, et que dire de ceux qui sont sur le  point de finir leur peine, et à qui on dit tu ne sortiras pas, ou de ceux qui  sont malades et ne reçoivent pas le traitement médical dont ils ont besoin… Que  la famille doive subir les conséquences de la dispersion, chaque kilomètre  qu’ils font, les risques de la route… tout cela entraîne beaucoup de souffrance.  
 
 M.A. : Les chiffres de cette souffrance sont de plus en plus  connus grâce au travail continu des groupes de solidarité avec les prisonniers.  En ce qui concerne le Collectif, l’attaque qu’il subit est énorme, et il y a 30  ans, personne n’aurait cru qu’il supporterait la terrible répression qui lui est  tombée dessus. La dispersion, comme les attaques subies par les groupes de  solidarité avec les prisonniers ou les avocats, ont laissé une fois de plus le  Collectif en situation de vulnérabilité. Mais le CPPB est vivant, il a résisté.  Le gouvernement espagnol ne veut pas que la libération des prisonniers enlève de  la crédibilité au joli récit qu’ils veulent construire, et il a peur, aussi, de  voir toute l’expérience politique et la capacité qui sont entre les murs des  prisons travailler dans la rue pour la liberté d’Euskal Herria. 
 
 Qu’en est-il du débat entamé  au sein du Collectif ? Pour quand peut-on attendre les conclusions ?  
 
 J.O. : Le Collectif est un être vivant, une partie de la  gauche abertzale, une partie d’un peuple, et en conséquence, il est toujours  dans un débat politique, permanent et dynamique. Avec cette interview, nous  avons donné à connaître un pas important au niveau organisationnel : la  désignation des représentants et des intermédiaires du Collectif. Précisément,  renouveler le mode d’organisation du CPPB a été l’objectif de la première phase  de débat. Dans un second temps, nous porterons nos conclusions politiques à la  connaissance de la société basque durant ce printemps. Le débat est en train de  prendre beaucoup d’importance, car nous avons eu la capacité de le mener malgré  tous les obstacles et de sévères conditions répressives. 
 
 Pour finir, sur l’Aberri  Eguna…
 
 Nous avons accueilli avec joie  les pas d’union et d’accord faits à l’occasion de l’Aberri Eguna de cette année  par les forces abertzale et de gauche. Le signe d’une nouvelle époque, sans le  moindre doute. Grâce à l’appel à l’union lancé par le réseau Independentistak à  Iruña, la dispersion habituelle a été limitée. Les gens de gauche, les  indépendantistes, les souverainistes, des citoyens basques de toutes générations  ont vu leur volonté se concrétiser dans cet appel. En comparaison avec ce qui  ressemblait au « Jour des Partis », c’est un pas considérable. De quoi se  réjouir, mais nous ne pouvons oublier tout le chemin qui nous reste à faire.  Même si ça ne va pas aussi vite que nous le souhaitons, nous allons dans la  bonne direction. Éloignés, dispersés, dans certains cas isolés, nous fêterons  aussi celui de cette année. Des célébrations simples, le corps prisonnier mais  la tête et le cœur dans les rues d’Iruña.