Témoignages autour du décès de Xabier Lopez Peña
Yolanda Molina – avocatePour commencer, je veux dire un mot et tout ce qu’on peut donner comme chaleur humaine à une personne à Ainhoa Ozaeta, la compagne de Xabier, qui est à Fleury, qui a vécu ces trois semaines, jour après jour, dans l’impuissance, l’horreur et la révolte.
Tout s’est passé en trois semaines.
La première semaine commence par le transfert de Xabier qui était à la prison de Fleury-Mérogis à l’hôpital de Corbeil pour un contrôle et pour la mise en place d’un stent ou également si c’était possible pour faire un pontage. Pendant cette première semaine, absolument personne ni la famille ni l’avocat n’a été informé de l’hospitalisation ni de l’état dans lequel il se trouvait. Ce sont les prisonniers politiques basques de son bâtiment qui ont alerté la famille pour dire qu’il n’était plus là depuis une semaine.
Deuxième semaine, lundi 18 mars, je téléphone au service médical de Fleury-Mérogis qui me dit : « je ne peux rien vous dire ». Je téléphone à la direction de la prison qui ne me répond pas. Je téléphone aux services sociaux qui ne me répondent pas. J’envoie des mails, des fax, je leur dis : « je ne comprends pas, j’ai le droit de savoir où il est. Je Veux le voir, demain 19 mars, il a un parloir avec sa famille, nous allons à Paris et nous voulons savoir où il est. Je passe toute la journée pour apprendre par le service des parloirs et non par la direction qu’il se trouve à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le mardi 19 mars avec Idoia, la sœur d’Aihnoa qui est là, nous somme à Paris, nous allons à l’hôpital Salpêtrière. L’hôpital était immense, on dirait une ville.
Nous demandons au service de cardiologie où se trouve M. Lopez Peña. Ils me disent « il est à l’hôpital, nous ne pouvons pas vous dire où ». Nous allons à la prison qu’il y a à l’intérieur de l’hôpital et ils nous disent: « il n’est pas là ». Nous nous tournons en rond, à tous les accueils ils nous disent : « nous ne pouvons pas vous dire où il est ». Je contacte la directrice de Fleury-Mérogis, pour lui dire « ils refusent de nous dire où il est, c’est à vous de nous le dire le dire ». Elle me dit : « il n’est pas sous mon autorité, il est sous l’autorité du préfet de police de Paris ». Nous allons à la préfecture. Là-bas, on nous dit qu’on ne peut pas nous recevoir et de laisser un courrier. Nous laissons un courrier pour dire que nous sommes là pour savoir où il est. Nous retournons à l’hôpital Salpêtrière au service de cardiologie, car nous savions qu’il avait été traité pour cette maladie. En cardiologie, tout le monde refuse de nous répondre. Nous visitons tous les étages, toutes les chambres, pour le chercher. Quand nous partons, une infirmière nous dit « allez dans ce bureau, peut-être que là-bas… » et là on nous dit : « effectivement, il est là, je vais appeler pour savoir si vous êtes autorisés à rentrer ». La famille n’est pas autorisée à rentrer, moi je le suis, et je le trouve dans une chambre, mal, mal. Xabier n’était pas le même, il était mal, avec trois policiers armés devant la porte. Le lendemain, je parle avec le docteur qui me dit qu’il a fait un AVC et que pour récupérer, il a besoin de rééducation. Je lui dis clairement que cette rééducation, en prison, il ne l’aura jamais. Cette même semaine, nous sommes restés la famille et moi-même jusqu’à samedi, et nous avons fait une demande de mise en liberté vu l’état dans lequel il se trouvait.
Lundi, j’étais ici. Aucune information ne nous a été donnée spontanément, on nous a même dit que même dans l’état où il était, il pouvait rester emprisonné. Il tenait à peine debout, il était mal. Je téléphone à l’avocate générale qui s’occupe de son dossier, je lui demande de me dire où il est. Et elle, magistrat, juge, me répond qu’elle en a assez de perdre son temps pour un assassin. Ils se sont comportés comme des enragés, tous, l’administration pénitentiaire, l’avocate générale, la police, jusqu’au dernier moment. Elle a dit « vous me faites perdre mon temps ». Je lui ai dit « je veux savoir où il est ». Et j’avais raison, parce qu’il n’était plus au service de cardiologie, ils l’avaient mis à la prison qui est à l’intérieur de l’hôpital. Dans l’état où il était. C’était le lundi 25. Lorsque, le jeudi, je me rends à la prison de l’hôpital, on me dit : « il n’est pas là, il a été transféré d’urgence aux soins intensifs de neurologie. Il a fait un accident grave hier dans cette prison ». Là encore personne n’a été informé, personne n’a été averti d’une nouvelle complication médicale grave. Je suis allée aux soins intensifs de neurologie et je l’ai trouvé mal, pire. Le neurologue m’a dit : « il a fait une hémorragie cérébrale, il lui faudra beaucoup de rééducation pour récupérer ». Je lui ai demandé : « il peut mourir ? ». Il m’a dit : « il est en situation stable, nous attendons une évolution correcte mais ici rien n’est exclu ». Le lendemain la famille est arrivée. Une personne de la prison de l’hôpital Salpêtrière m’a appelée sur mon portable pour me dire que la famille devait venir au service de la maison d’arrêt avant d’aller aux soins intensifs pour le voir. Ils se sont comportés comme des chiens. Les personnes venues le voir ont été fouillées de haut en bas, il y avait trois policiers dans la chambre. Trois ERIS nous ont escortés avec des gilets pare-balles dans tout l’hôpital. Ça c’était le vendredi.
Le lendemain samedi 30 mars, la famille avait parloir à 13h pour le voir, nous y allons et nous voyons de loin que les policiers n’étaient plus là. Nous demandons dans un bureau et ils nous disent : « vous n’avez pas été avertis ? Il est décédé cette nuit. On nous a interdit d’avertir la famille, c’était l’administration pénitentiaire qui devait le faire ». Plus de 12 heures étaient passées entre le moment du décès à 1h du matin et ce moment. « Attendez, le directeur de la prison veut vous voir. » Nous avons répondu : « nous, nous ne voulons plus le voir ». Nous sommes partis à la morgue où nous attendait la police qui voulait auditionner la famille, qui nous interdisait de voir le corps parce qu’il y a une enquête judiciaire. Ils ne nous ont même pas donné le numéro de téléphone du parquetier qui s’occupait de l’affaire. Ils nous ont dit : « vous pourrez le voir demain à l’institut médico-légal ». Nous nous y sommes rendus le lendemain, hier, mais on ne nous a pas laissé le voir parce que c’était férié. Il n’y a pas de mots. Ça a été l’horreur la plus totale. Les demandes de mise en liberté étaient fixées pour les 3 et 5 avril.
J’ai vu Ainhoa en prison et elle m’a dit : « ils ne le laisseront pas sortir vivant ». Et elle avait raison. Ils ont réussi. Quand j’ai demandé de quoi il était mort puisque sa situation était stable, le médecin des soins intensifs m’a répondu : « je n’ai pas d’explication, nous ne comprenons pas ce qui s’est passé ». Je lui ai demandé : « est-ce que quelqu’un est entré dans cette chambre ? ». Parce que ce n’est pas possible. Et depuis que la nouvelle s’est répandue, les vautours étaient là, les vautours, français et espagnols. Et moi je pense que tout est possible, que toutes les possibilités sont ouvertes sur ce qu’ils ont fait à Xabier.
Pour finir sachez que Xabier a été un militant toute sa vie, depuis ses 16 ans jusqu’à mourir dans ce putain d’hôpital. Un militant, dominé par personne, libre.
Itsaso Idoiaga – médecin de prisonniers politiques basques
Origine de la maladie. Il a été hospitalisé pour la première fois en décembre 2009, à l’hôpital de Corbeil-Essonnes parce qu’il avait des douleurs thoraciques. Avec un scanner, on lui a découvert une coronopathie sévère très serrée sans possibilité de canalisation par angioplastie. À cette époque-là, le cardiologue qui faisait le suivi médical a préconisé une discussion chirurgicale mixte coronale et aortique à faire début janvier 2010.
Finalement le cardiologue a décidé de mettre en place un stent c’est-à-dire une sorte de ressort pour déboucher l’artère coronaire, mais on se demande si cette décision a été la bonne, si elle a été bien réfléchie par rapport à son état de santé complet ou si elle a été prise parce que c’est plus facile qu’un pontage, sachant qu’il est prisonnier, pour avoir le moins d’embarras possible.
Finalement le stent n’a pas marché, donc il a été transféré à la Pitié-Salpêtrière où on lui a fait un pontage. Pendant une intervention ou l’autre, on ne sait pas exactement à quel moment, il a eu un accident cérébro-vasculaire ischémique, un ACV. Il n’a pas été placé en soins intensifs, il a été maintenu dans un centre normal de l’hôpital puis envoyé dans l’aire pénitentiaire de l’hôpital. C’est une aire où l’on place les prisonniers pour qu’ils attendent leur fin.
On se demande pourquoi il n’a pas été placé en soins attentifs depuis le début. Parce que quand on fait une opération cardiologique de cette importance, on place la personne en soins intensifs, on ne la laisse pas dans l’aire pénitentiaire.
Ce qu’on a constaté pendant toutes ces années, c’est que les soins médicaux des personnes qui sont en prison ne sont pas les mêmes que les soins médicaux des personnes qui sont en liberté. Pour un prisonnier politique basque, c’est plus difficile d’avoir un diagnostic. Pour M. Lopez le premier diagnostic a été fait en 2009, il y a un délai très important entre le diagnostic et le traitement. Les traitements ne sont pas les mêmes non plus. On fait primer la sécurité sur les soins médicaux. Ce n’est pas le premier cas et on espère que ce sera le dernier.
Etxerat – Muriel Lucantis, Nagore Lopez de Luzuriaga
Pour commencer, nous voulons faire parvenir nos condoléances et notre entière solidarité à la famille et aux amis de Xabier Lopez Peña. La situation et le traitement dont ils ont fait l’objet sont honteux et inacceptables et nous les dénonçons avec force. Nous exigeons que la vérité soit faite sur les responsabilités de chacun. Une fois encore, la violence de l’administration a durement frappé une famille, portant la cruauté jusqu’à des sommets. Nous trouvons important de souligner le manque d’information et de transparence autour de la mort de Xabier Lopez Peña. Il est entré à l’hôpital le 11 mars pour un simple contrôle et il est mort 19 jours plus tard. Sa famille n’a été informée de l’hospitalisation que 9 jours après. On peut supposer qu’il a fait un AVC à la suite d’une opération qui a mal tourné, mais on ne peut rien savoir avec certitude, la famille n’a pas pu voir Xabier et n’a reçu aucune information. Ils n’ont pas laissé le médecin de confiance assister à l’autopsie, et ils n’ont pas informé la famille du décès de Xabier, elle l’a appris 13 heures plus tard en venant à la visite. Ce manque d’information et tous les obstacles renccontrés nous montrent un panorama très sombre. La difficulté à obtenir des informations et tous les doutes laissés par ce décès sont intolérables et aggravent encore la douleur des proches.
Avec nos condoléances, nous voulons aussi exprimer la peine et l’immense colère que nous ressentons. Depuis des années, nous dénonçons avec force la politique pénitentiaire qui nous mène à de telles situations. Depuis des années, nous demandons la désactivation des mesures d’exception, avant que d’autres drames se produisent. Et nous revivons sans cesse de tels drames, dans le silence et le mépris des deux États.
En prison, les longues peines, les conditions indignes et les mesures d’exception provoquent ou aggravent des maladies. Et le prisonnier, une fois malade, ne peut pas se soigner comme il le faudrait en raison des conditions, des mesures d’exception et de l’ensemble des obstacles mis par la prison. Il doit subir, de plus, une énorme pression de la part des fonctionnaires à chaque minute de chaque journée. Pour cette raison, nous demandons depuis très longtemps le respect des droits des prisonniers – parmi lesquels celui d’avoir un suivi médical sérieux- et la libération immédiate des prisonniers gravement malades.
Cette revendication est de plus en plus étendue dans les sociétés basque et internationale. Mais elle laisse l’État français aussi sourd et amorphe que son voisin. Il continue d’appliquer tous les éléments de ce plan bien dessiné de façon froide et cruelle.
Ces façons de priver les prisonniers de leur droit à être suivis et soignés correctement, combinées à l’allongement infini des peines, transforment la peine de prison en peine de mort. La politique de d’éloignement et de dispersion participent amplement à ce plan, en rendant plus difficile encore la situation des familles, des avocats et des médecins de confiance, comme cela est encore arrivé dans le cas de Xabier Lopez Peña.
La mort, il y a deux semaines, d’Angel Figeroa, a porté à 16 le nombre des hommes et femmes morts en détention et 9 juste après leur sortie. Et Xabier cette semaine. Qui continuera de nier que la politique qu’ils nous appliquent est criminelle ?
Entre autres exemples, nous avons dénoncé ce mois-ci le cas d’Ibon Fernandez, à la prison de Lannemezan, à qui une sclérose en plaques vient d’être diagnostiquée après deux ans de souffrance, situation incompatible avec la prison. Quelques semaines plus tôt, nous dénoncions le cas de Jon Bienzobas, que la prison de Châteauroux avait laissé se vider de son sang durant une nuit entière. Tout cela orchestré directement par les autorités françaises. ÇA SUFFIT. Ça suffit d’entendre de belles paroles et de continuer à vivre cet enfer sans le moindre changement.
Le gouvernement français a une énorme responsabilité. Il doit cesser immédiatement de jouer avec nos vies et celles de nos proches qui sont prisonniers. Il doit en finir avec cette politique cruelle et criminelle MAINTENANT. C’est très facile, s’il le veut, il peut régler les situations les plus graves en quelques jours :
Tous les prisonniers qui sont gravement malades dans des prisons françaises et espagnoles doivent être libérés immÉdiatement, de même que ceux qui sont assignés à leur domicile avec de strictes mesures de sécurité. Les droits, parmi lesquels celui de se soigner correctement doivent être respectés maintenant.
Toutes les mesures destinées à allonger les peines doivent disparaître.
Et toutes les autres mesures d’exception, particulièrement la dispersion, l’éloignement, toutes les formes d’isolement doivent être désactivées immédiatement, pour en finir avec la situation insupportable qui nous est imposée.
Pour finir et pour tout résumer : NOUS LES VOULONS VIVANTS ET À LA MAISON !
Herrira – Garbiñe Eraso, Nagore Garcia
Bonjour.
Herrira souhaite tout d’abord présenter ses condoléances et exprimer son soutien à la famille et à tout l’entourage de Xabier López Peña. Nous souhaitons également dénoncer le traitement et le manque d’informations qu’ont subi les proches de Xabier de la part de l’hôpital parisien dans lequel il était affecté.
15 prisonniers politiques basques souffrent actuellement de maladies graves. Nous parlons de maladies telles que le cancer, la sclérose en plaques ou encore la schizophrénie. La libération de ces personnes est la seule garantie qu’elles bénéficient d’un traitement médical adéquat et que des situations comme celles de Figueroa et López Peña ne se reproduisent pas. La société basque exige des solutions, le respect des Droits de l’Homme, un changement de la politique pénitentiaire et construire de manière conjointe la résolution et la paix. Le maintien de la politique pénitentiaire actuelle représente un immense obstacle et provoque des conséquences tragiques. A l’image des impressionnantes mobilisations de Bayonne et de Bilbao, Herrira considère indispensable de continuer d’activer différents engagements et de répondre par de grandes mobilisations sociales aux vulnérations des Droits de l’Homme qui frappent en plein cœur des milliers de personnes et bloquent le processus. Portant le souhait de la société basque, Herrira continuera de travailler sans répit pour que des cas comme ceux d’Angel Figueroa ou de Xabier López Peña ne se reproduisent plus jamais et que la cruelle politique pénitentiaire actuelle disparaisse.
Herrira appellera à différentes mobilisations dans les prochains jours. Cinq rendez-vous sont d’ores et déjà prévus ce vendredi en Pays Basque nord à Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port, Hasparren et Mauléon. Nous vous communiquerons de plus amples informations dans les prochains jours.
Milesker. Merci.
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