SIX MOIS DE FOUILLES ARBITRAIRES
CONTRE LES FAMILLES DE PRISONNIERS POLITIQUES BASQUES
Voilà 6 mois la Direction des Institutions Pénitentiaires espagnole instaurait l’application de fouilles par palpation contre les familles de prisonniers politiques basques.
La moitié d’une année, une éternité pour tous ceux qui attendent avec appréhension de savoir s’ils pourront partager un instant avec leurs proches au bout de plusieurs centaines de kilomètres de voyage.
Un changement semble avoir eu lieu depuis mais des cas de fouilles arbitraires continuent de se succéder chaque fin de semaine.
Le collectif des familles de prisonniers politiques basques avait reçu avec soulagement le communiqué d’EPPK (prisonniers politiques basques) du 28 mars 2010 qui annonçait un revirement possible du pouvoir espagnol mettant fin à l’ordre de fouiller par palpation les familles pour l’accès aux visites. Plusieurs dizaines de familles n’avaient pu serrer dans leurs bras ou embrasser qui une sœur, qui un fils prisonnier et cela au bout d’un voyage de plusieurs centaines de kilomètres pour parvenir jusqu’à eux, avec le vague espoir que le fonctionnaire pénitentiaire de service ne leur infligera pas un traitement dégradant.
Pour plusieurs familles, l’espoir s’est envolé dès la porte de la prison franchie en constatant que certains directeurs n’affichaient nulle intention de cesser ces fouilles particulières. Ces familles, pas une ni deux mais des dizaines, furent à nouveau obligées de refaire le trajet en sens inverse sans avoir pu serrer leurs proches dans les bras.
Le secrétariat général des Institutions Pénitentiaires avait diffusé le 30 octobre 2009 une circulaire dans toutes les prisons espagnoles. Y était spécifié l’ordre de fouiller par palpation corporelle les familles de tous les prisonniers basques avant chaque visite. Malgré plusieurs demandes, la communication du texte intégral de cette circulaire n’est pas autorisée et l’on ne peut donc connaître son contenu exact, sa motivation ou quelque détail que ce soit concernant cet ordre donné par le Ministère de l’Intérieur espagnol.
L’avocat basque Ainhoa Baglietto a précisé au quotidien Gara que le contenu de cette circulaire n’est pas répertorié ni dans la Loi Générale Pénitentiaire, ni dans le Règlement qui en découle, alors qu’il s’agit là d’un précepte obligatoire pour une telle exception. Selon l’avocate, pour que cette norme soit mise en pratique une motivation particulière ou individuelle est obligatoire alors qu’il n’en a pas été tenu compte pour réaliser ces fouilles de familles basques, fouilles les visant dans leur ensemble et de façon arbitraire.
Des centaines de plaintes ont été déposées par les familles, soit dans les prisons, soit devant les juges correspondants et aussi auprès de la Salle de Contentieux Administratif de l’Audiencia Nacional espagnole. Dans leurs plaintes, les familles et leurs avocats insistent sur le fait que ces fouilles particulières peuvent porter atteinte au respect de la vie privée, pris en compte par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Bien que la majorité de ces plaintes n’ait pas aboutie, en Mars 2010 les chefs de service de certaines prisons espagnoles ont fait savoir aux détenus basques que cet ordre de fouilles avait été suspendu et que dorénavant, si des fouilles de ce genre étaient réalisées, elles devraient l’être pour des raisons concrètes et motivées. Cependant, cette directive ne semble pas être parvenue à toutes les prisons et, au contraire, certains directeurs ne semblent pas avoir l’intention d’annuler l’ordre reçu en octobre dernier.
OBSTACLE SUPPLEMENTAIRE
Alors que le revirement des Institutions Pénitentiaires est accueilli positivement, l’avocate A. Baglietto avertit que dans certaines prisons un obstacle supplémentaire s’est présenté. En effet, pour que tous les proches venant d’Euskal Herria (Pays Basque) ne soient pas fouillés ensemble, les fonctionnaires font leur possible pour qu’ils ne puissent se rendre en groupe aux visites, en changeant les prisonniers de division/module ou en variant les heures de visites.
Ces changements entraînent une grave conséquence pour les déplacements vers les prisons. La grande majorité des familles, spécialement celles dont les proches sont incarcérés dans les lieux les plus reculés du territoire espagnol, organisent ensemble leurs voyages, soit en autocar ou fourgonnette, soit en covoiturage. Ceci leur permet de réduite le préjudice économique engendré par la dispersion des prisonniers politiques basques, permet une plus grande sécurité en limitant les heures de conduite pour chaque conducteur et permet à des chauffeurs bénévoles tels ceux de « Mirentxin » d’apporter leur contribution altruiste.
Avec la modification des horaires des visites, de nombreuses familles ne peuvent plus voyager ensemble. C’est par exemple le cas de celles qui doivent se rendre à la prison de BADAJOZ (sud-ouest de l’Espagne). Alors qu’auparavant toutes les visites pouvaient se faire les Samedis, elles sont maintenant partagées entre le samedi et le dimanche. Ce sont donc deux fourgonnettes qi se dirigent chaque week-end vers cette ville d’Estrémadure, doublant le coût financier pour les familles et augmentant les risques d’accidents.
Les familles qui doivent se rendre aux trois prisons de PUERTO-de-Santa-Maria près de Cadix voient aussi leur situation se compliquer davantage. En plus du minimum de 28 heures d’autocar, elles doivent patienter encore durant plusieurs heures « mortes » près des prisons, dans l’attente que toutes les familles aient terminé leurs visites qui ne sont plus regroupées dans un même créneau horaire.
AGRESSIONS PROVOQUEES PAR LES MATONS
La circulaire ordonnant de fouiller les familles des prisonniers politiques basques a été immédiatement considérée comme une mesure ad hoc contre le collectif des prisonniers politiques basques et leurs proches. Cependant, certains fonctionnaires tentent de camoufler cette nouvelle attaque en fouillant aussi des familles de prisonniers de droit commun. Cette initiative a suscité des faits tels ceux subis par les prisonniers politiques basques Diego UGARTE et Unai BILBAO le 12 avril dernier dans la prison andalouse de PUERTO II. Ils ont été agressés par plusieurs prisonniers de droit commun qui y avaient été incités préalablement par les matons, rejetant la responsabilité de leur situation sur les prisonniers basques.
Cette décision de fouiller les familles qui crispe l’atmosphère dans les prisons semble avoir franchi les frontières de l’Etat espagnol car la même semaine l’on apprenait que les familles de prisonniers politiques basques qui s’étaient déplacées jusqu’à la prison de CLAIRVAUX (nord-est) ont été fouillées elles aussi.
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Depuis que cette nouvelle norme a été imposée, fin octobre 2009, les prisonniers politiques basques ont perdu des milliers de visites. Ceux qui n’ont eu aucun contact avec leurs êtres chers depuis lors sont nombreux. Et tout en sachant que chaque prisonnier aurait de quoi conter, nous relatons ici quelques-uns des cas qui reflètent la cruauté subie pour accéder aux parloirs.
En décembre, les fonctionnaires de la prison de SORIA obligèrent un invalide, ami du prisonnier Gaizka GAÑAN à se déshabiller alors qu’il souhaitait effectuer une visite. Il n’avait jamais eu de problèmes jusqu’alors pour les réaliser. Les gardiens eux-mêmes lui remettaient des béquilles en vois en échange des siennes afin qu’il puisse passer au détecteur de métaux. Le 6 décembre, cependant, on le laissa sans béquilles, on l’obligea à baisser ses pantalons alors qu’il ne peut le faire lui-même et aussi à quitter ses lunettes, lui enlevant ainsi quasiment toute vision.
Ces fouilles ne semblent pas non plus tenir compte des âges car même un enfant de 21 mois dut passer entre les mains des gardiens. Ce fut le cas du fils du prisonnier originaire de St-Sébastien, Xabier TXIMENO. Après avoir parcouru les 570 km séparent Donostia de Valence, il dut faire le parcours en sens inverse sans avoir vu son père.
Selon les familles elles-mêmes, cette manœuvre vise à « serrer encore plus la vie ». Elle a permis que des proches de prisonniers soient sanctionnés et même arrêtés. Ce fut le cas du père d’Iñaki PEÑA détenu plusieurs heures dans la prison de CURTIS pour avoir refusé la fouille avec palpation.
Le veto imposé cette semaine même (8 mai 2010) au frère du prisonnier Pau ASENSIO, lui interdisant l’entrée de la prison durant 9 mois, est un autre exemple de cette stratégie de harcèlement des familles. Punition qu’elles connaissent malheureusement déjà bien.
Ainsi, dans le but de fracturer le collectif des familles, les fouilles aléatoires qui ont lieu dans certaines prisons sont pratiquées toujours sur les mêmes personnes, ce qui fait penser à l’association des familles ETXERAT que les fonctionnaires établissent peut-être des « listes noires de familles ».
MOUVEMENTS DE PROTESTATION
Afin de réagir face à ces fouilles spécifiques, de nombreuses protestations ont lieu tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des prisons.
Les prisonniers politiques basques de la prison d’ALMERIA (Andalousie) en sont un exemple puisqu’ils réalisent des mouvements de protestation en restant enfermés 24h sur 24 dans leurs cellules, régulièrement chaque semaine depuis novembre 2009.
La protestation massive suivie par tout le collectif des prisonniers politiques basques en février, annulant toutes les visites des familles est un autre exemple de cette lutte.
En dépit des dures conséquences personnelles engendrées par l’absence de visite, l’association des familles ETXERAT a averti récemment qu’elle « est prête à réaliser cette dynamique de protestation et dénonciation jusqu’où cela sera nécessaire » afin d’obtenir des conditions de visite dans la dignité.
SIX MOIS SANS SE TOUCHER ET TROIS MOIS SANS VISITE
Aitor LIGUERZANA fut arrêté en novembre 2009 dans la rafle menée contre 34 jeunes indépendantistes et depuis lors il n’a plus de contact avec sa famille. Sa mère, sa compagne et un neveu ont été punis pour avoir refusé d’être palpés par les gardiens et, depuis 3 mois, ils n’ont donc pu visiter Aitor.
Sa compagne Naroa Lopez SUSAETA relate que quand il fut emprisonné à Soto-del-Real les prisonniers politiques basques en place étaient en pleine lutte et refusaient les visites en raison des fouilles avec palpation qui devaient être imposées aux familles. Alors que toutes les visites de novembre et de décembre avaient été perdues, en janvier, au début de la dynamique de lutte entreprise par EPPK (collectif des prisonniers politiques basques) les prisonniers tentaient de maintenir des visites. Naroa obtint un premier parloir intime le 22 janvier. C’est la seule famille venue depuis Euskal Herria (Pays Basque) et alors qu’elle s’apprête à entrer les fonctionnaires la mettent dans une pièce à part pour la fouiller. Elle refuse et repart en Euskal Herria sans voir son compagnon. 5 jours plus tard, elle revient dans cette prison madrilène car elle doit s’y marier, mais auparavant elle doit subir une fouille « sévère ». Ils la font déchausser, l’obligent à écarter bras et jambes et les fonctionnaires palpent tout son corps devant et derrière « me faisant sentir mal à certains moments en raison des parties qu’ils palpaient » dénonce-telle. Elle se souvient que la pièce où ils l’ont maintenue à part des autres visiteurs était si petite qu’elle pouvait tout juste y entrer avec les deux bras ouverts.
Après cette fouille, elle parvint à voir son compagnon pour la première fois depuis l’arrestation mais ce sera aussi la dernière à ce jour. Deux jours après le mariage, elle retourne à la prison en compagnie de la mère et d’un neveu du prisonnier. C’est là qu’on lui notifie que toutes les visites leur ont été supprimées pour trois mois.
Elle ne sera pas la seule dans ce cas. Toutes les familles basques qui s’étaient rendues la dernière semaine de janvier 2010 à SOTO-DEL-REA (Madrid) ont été punies de la même manière, certaines sans même avoir refusé d’être fouillées à corps.
CONDAMNATION
Le Tribunal européen des Droit de l’Homme a condamné la Grande-Bretagne, estimant que les pouvoirs accordés à la police pour arrêter et fouiller les citoyens portent atteinte à la Convention européenne des Droits de l’Homme.
Traduit du quotidien GARA du 9 mai 2010 (U. Parot)
GREVE DE LA FAIM ILLIMITEE A JAEN
CONTRE LES FOUILLES PAR PALPATION
Les 14 prisonniers et prisonnières politiques basques incarcérées dans la prison andalouse de JAEN, parmi lesquels José Mari SAGARDUI « GATZA » (qui en juillet 2010 accomplira 30 ans de prison) se sont mis en grève de la faim illimitée en signe de protestation contre les tentatives de « fouilles humiliantes » que l’on veut encore imposer à leurs proches à chaque visite.
En signe de rétorsion 4 d’entre eux ont été transférés dans une prison encore plus éloignée à ALGECIRAS.
(Extrait de GARA des 12 et 14 mai 2010)
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