mardi 24 mai 2011

peines de mort lente

(testu hau Gara-ri egindako elkarrizketaren itzulpena da; ce texte est la traduction d'un entretien fait à Gara)

http://www.gara.net/paperezkoa/20110515/266338/es/Prolongar-condena-sin-limite-es-una-pena-muerte-lenta-

PEINES DE MORT LENTE

La Cour d' Appel spéciale a donné, le 29 avril 2011, une réponse négative à la 2e demande de mise en liberté conditionnelle de Ion Kepa Parot. Condamné à perpétuité il est incarcéré en France depuis le 5 avril 1990, ainsi que Jakes Esnal et Frédéric Haramboure. Unai Parot, arrêté le 2 avril 1990, est emprisonné en Espagne, à perpétuité aussi.
Ion PAROT a été condamné a une perpétuité simple, sans peine incompressible de sûreté. De ce fait, la loi l'autorisait à faire une demande de liberté conditionnelle au bout de 15 ans de prison. Pour l'obtenir, il faut un logement et un emploi qui soient homologués par le Ministère de la Justice et situés en dehors de tous les départements du Grand Sud-Ouest, qui lui sont interdits. Entre la recherche et la décision du tribunal, la procédure est souvent très longue et il peut donc se passer trois ou quatre ans entre deux demandes.
Lors de la première demande de libération conditionnelle le Tribunal d'Application des Peines (TAP) s'opposa à sa sortie de prison.Le logement proposé à l'époque se trouvait à Angoulême. Les juges l'avaient jugé inapproprié car des militants de l' ETA auraient été arrêtés dans le secteur. De plus, on lui reprochait d'« être en faveur du processus de paix », en cours à l'époque, et de ne pas avoir coupé les liens avec « la mouvance basque ». Ils jugèrent que sa mise en liberté était « prématurée ». Ion Kepa fit appel de cette décision mais sa demande fut rejetée par la Cour d'appel.
Pour sa deuxième demande de libération conditionnelle, un obstacle supplémentaire s'est présenté. Hormis l'obligation de chercher un logement et un travail ( à environ 1.000 kilomètres du Pays Basque), Ion Kepa a dû passer par le Centre National d'Évaluation (CNE). C'est une nouvelle structure créée par à la loi Dati prévue, à la base, pour les condamnés à perpétuité condamnés pour assassinats à caractère sexuels. Des experts (psychologues, psychiatres) sont chargés d'évaluer leurs risques de récidive. Les questions abordées dans ce cadre sont censées concerner le profil personnel et psychologique de la personne. Mais lorsque Ion fut transféré à Fresnes pour passer par cette commission, de nombreuses questions étaient d'ordre politique. Le CNE a néanmoins conclu que, dans son cas, le risque de récidive est minime.
Finalement, le 17 février 2011, le Tribunal spécial d'Application des Peines a répondu favorablement à la demande de libération conditionnelle de Ion. Le président du tribunal, Bernard Lugan, était le même qu'en 2007 et il connaissait parfaitement son cas mais cette fois sa décision s'est basée sur des arguments juridiques et il a approuvé la demande. Cependant, quelques heures plus tard le Parquet a fait appel de la décision.
Les arguments avancés pour ce refus sont les mêmes que ceux mis en avant lors de la première demande. Des raisons strictement politiques et même racistes car dans le texte de la décision il est dit mot pour mot : « il maintient le contact avec des détenus basques », « il consacre du temps à la lecture de journaux et livres basques », «il ne renie pas ses convictions ; l’expression de celles-ci empêche toute évolution de sa problématique ». Leur conclusion, comme celle de la partie civile, est que Ion Kepa est un « récidiviste potentiel ». La mienne est que ceci est du racisme pur. Il semble que nous n'ayons pas le droit d'être et de nous sentir Basques. Mais la Cour d' Appel a validé ces arguments et a annulé la décision du TAP, le 29 avril dernier.
Cette décision négative, à nouveau, n'est cependant pas tout à fait surprenante pour nous. En effet, durant la phase de l'instruction, déjà, la juge Laurence Le Vert l'avait menacé en lui disant que « quelqu'un comme vous qui a tué un juge devrait, au minimum, purger une peine de sécurité de 30 ans ». Le juge en question est le franquiste Mateu Canovas, numéro un du Tribunal d'Ordre Publique fasciste, pour la mort duquel il n'y a aucune preuve véritable contre Ion, la contre-expertise balistique ayant été refusée.
Ensuite, la procureur du TAP dit que sa libération est “prématuré” et qu'il doit être incarcéré 30 ans « comme en Espagne ». Il faut préciser que même s'ils avaient accepté la liberté conditionnelle pour Ion, il ne s'agit pas d'un cadeau, étant donné qu'il devait résider en Picardie et ne pouvait pas venir en Euskal Herri durant six ans au moins. Ce qui signifie qu'il aurait pu être de retour au pays au bout de 27 années. Si la 3e demande lui est accordée, dans le meilleur des cas, 30 ans se seront écoulés avant qu'il ne revienne.
Ces 30 ans correspondent aussi à la fameuse « Doctrina Parot » mise en place par l'Espagne, avec effet rétroactif, et qui a prolongé les peines de multiples prisonniers entre 30 et 40 ans au total, même si Unai Parot sort de ce cadre et se voit infliger une peine « sans limite », une vraie peine à vie.
L'on voit bien que les États Espagnol et Français agissent avec un esprit de vengeance évident. Il cherchent à se venger, à les punir, à les détruire. Le fait de prolonger une peine sans date limite est quelque chose d' humainement insupportable. Quand la sortie est clairement fixée à 30 ans, au moins il y a une date fixe, le détenu , entrevoit une fin. Mais dans ce cas il n'y a pas de limite. C'est pourquoi les prisonniers de droit commun ont baptisé la perpétuité « peine de mort lente ». C'est une politique de destruction de l'individu, qui n'a rien à voir avec la justice mais relève de la stricte cruauté.
La France n'a pas besoin d'imiter Madrid pour s'acharner sur les militants Basques. Mais, au moins dans le cas de Ion Parot, on sent la pression Espagnole. Nous sommes convaincus qu'ils leur ont dit « ne relâchez pas Parot » et que la France a obéi. Par exemple, en écoutant l'intervention de la Procureur Française, on se serait cru devant un Procureur de l'Audience Nationale espagnole, tribunal spécial. La procureure avait les mêmes arguments et demandait qu'on ne le libère pas avant 30 ans. De plus, c'est la période électorale en Espagne, et s'ils disent qu'un Parot est relâché, le Partido Popular va se précipiter pour l'utiliser comme argument contre le gouvernement actuel. Mais cependant, la France n'attend pas « l'exemple » de l'Espagne pour faire du « zèle » en matière de politique pénitentiaire.
La situation faite aux familles est aussi très cruelle. Par exemple, cela fait déjà quatre ans que notre mère ne peut plus se déplacer pour voir ses fils. Ion est à Muret (300 km) et Unai à Puerto de Santa María (1.200 km). Notre père n'avait pu aller les voir durant six ans, avant de décéder. Ce sont les prisonniers mais aussi leurs familles qui sont punis. C'est d'une cruauté hallucinante. C'est ce que nous appelons la « torture blanche ». La France comme l'Espagne se disent des pays démocratiques mais ceci est une aberration.
Tout est aberrant, depuis le début : Ion Kepa a été condamné sur la base des déclarations de son frère cadet Unai obtenues au cours des cinq jours et les cinq nuits de tortures. Cela ne peut exister dans des pays qui se déclarent démocratiques.
Ursoa Parot


Aucun commentaire: