vendredi 24 juin 2011

le jpb : article AURORE MARTIN



Sujet à la une source le journal du pays basque

L'union sacrée


23/06/2011

Pierre MAILHARIN

On n’avait pas vu ça depuis plus de 30 ans : assis à la même table, pour une conférence de presse, une militante abertzale et un représentant départemental du Parti socialiste. Hier, à la bourse du travail de Bayonne, Anaiz Funosas, porte-parole d’Askatasuna et du collectif contre le MAE, à l’origine du rassemblement, se trouvait même quasiment coude contre coude avec Pierre Chéret, premier secrétaire du parti de la rose en Pyrénées-Atlantiques. Seul faisait “obstacle” entre les deux Christophe Desprez, président de la Ligue des droits de l’homme au Pays Basque.

De part et d’autre du trio, et derrière eux, des dizaines d’élus, syndicalistes et associatifs locaux, fédérés autour d’une même cause : défendre Aurore Martin, dénoncer la tentative d’arrestation de mardi, fustiger le MAE. Pour n’en citer que quelques-uns : Sylviane Allaux, Colette Capdevielle (PS), Marie-José Espiaube (PCF) Mathieu Accoch, Jean-Claude Soudre (Parti de gauche), Claude Larrieu, Martine Mailfert (NPA), Alice Leiciagueçahar (Europe Ecologie-Les Verts), Martine Bi-sauta (adjointe au maire de Bayonne), Christine Bessonart (maire de Saint-Pée), Xabi Larralde, Jean-François Lefort (Batasuna), Jakes Bortayrou (AB) Txomin Catalogne (Segi), Victor Pachon (Cade), Laurence Hardouin (Cimade), Michel Larralde (CFDT).

Cette “union sacrée”, Anaiz Funosas et Claude Larrieu, aux manettes de la conférence, ont appelé l’ensemble des participants, et la société civile, à la poursuivre : “Dans la gravité des événements d’hier [mardi], le point positif, c’est l’intensité et la forme de la mobilisation. Pour nous, il s’agit de la voix à suivre. Il faut maintenant l’intensifier”. Une manifestation sera organisée dans ce but samedi place des Basques à Bayonne, à 17 heures. Avec ce double mot d’ordre : “La liberté pour Aurore Martin et le respect des droits civils et politiques”.

“Les heures sombres”

Sans appeler explicitement à y prendre part, Pierre Chéret a eu des mots forts pour condamner les agissements de mardi : “L’instant est important, je le considère même comme grave. Je veux apporter tout notre soutien à Aurore Martin. Mais pas seulement : derrière la brutalité et les méthodes policières inacceptables, il y a une volonté de faire taire, qui rappelle les heures sombres de notre histoire. […] Nous demandons donc avec fermeté qu’Aurore Martin ne soit pas extradée sur des faits relevant d’actes politiques militants”.

Alice Leiciagueçahar (EE-Les Verts) a, elle, souligné les incidences futures d’une telle extradition : “Ce serait un premier pas vers une interdiction pure de Batasuna. Or l’illégalisation d’un parti politique est quelque chose que l’on ne peut pas admettre”.

Martine Bisauta, se faisant le relais d’élus n’ayant pu se libérer (Alain Iriart, Michel Veunac, Jakes Abeberry, Jean-Michel Galant, Jean-René Etchegaray), a rappelé la devise voltairienne : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire”.

Tortures et humiliations

Elle a ensuite salué “le courage extraordinaire” d’Aurore Martin, avant de mettre les pieds dans le plat : “Elle est censée être remise à une police [espagnole, ndlr] qui n’offre pas toutes les garanties qu’on serait en droit d’attendre d’un Etat démocratique. Dans les geôles espagnoles, on frappe, on humilie et on torture. Il suffit de lire le dernier rapport d’Amnesty International”.

Si le front commun anti-MAE n’avait jamais été aussi large, il n’était cependant pas complet hier. Quelques élus MoDem ou affiliés étaient présents, mais le parti en tant que tel n’avait pas de représentant officiel. En campagne mardi en Béarn pour les sénatoriales, Jean-Jacques Lasserre était hier à peine au courant des événements. Le président de groupe Forces 64 au Conseil général nous a juste indiqué : “Je regrette énormément que cela prenne cette tournure. Je crois qu’il faut impérativement essayer de calmer les esprits. J’ai l’impression que les positions se radicalisent. J’avais dit en son temps que je n’étais pas d’accord avec ça [le MAE, ndlr]”.

Du côté de l’UMP locale, seul Max Brisson, premier adjoint au maire de Biarritz et président de groupe au Parlement de Navarre, a accepté de s’exprimer : “Je regrette ce qui s’est passé. J’étais opposé à cette extradition, je le demeure. Je ne pense pas que les scènes que nous avons connues au Petit Bayonne correspondent à ce que je souhaite au Pays Basque. Cela montre que l’émotion est profonde. Il est dommage que les autorités de l’Etat n’en tiennent pas compte. Cette émotion dépasse de très loin les seuls militants abertzale”.

Le bureau parlementaire de Michèle Alliot-Marie, députée de la 6e circonscription, nous a fait savoir que celle-ci ne s’exprimerait pas. Alain Lamassoure, député européen du Sud-Ouest, a quant à lui transmis le message qu’il “ne ferait pas de réaction tant qu’Aurore Martin ne serait pas arrêtée”. Eprouvée par les événements de la veille, la militante de Batasuna n’était pas présente à la conférence de presse hier.



L’échec de la police relayé par tous les médias
Jamais, depuis le début de “l’affaire Aurore Martin”, les médias ne s’étaient mobilisés autant que ces deux derniers jours. L’arrestation ratée de mardi, couverte par l’ensemble de la presse locale (EITB, Berria, Le JPB, Sud Ouest, France Bleu Pays Basque, France 3 Euskal Herri, Euskal Irratiak…), a également été relayée par la plupart des quotidiens et/ou sites Internet hexagonaux (Libération, Le Monde, Le Figaro, Le Nouvel Observateur, Rue 89…). Dans le titre des articles, souvent, revenait l’échec de la police française : “La police rate la capture de la militante basque Aurore Martin” (Le Monde), “Aurore Martin, arrestation ratée” (Libéra-tion), “La police française échoue à arrêter une militante basque” (Le Figaro). La militante de Batasuna a été interrogée en direct par téléphone sur la chaîne LCI. Les images sont également passées au 19/20 de France 3. Hier, les mêmes journalistes locaux étaient présents lors de la conférence de presse de soutien à Aurore Martin. Trois chaînes de télévision espagnoles avaient aussi effectué le déplacement : Antena 3, la 6 et la 7. A l’issue des interventions, leurs représentants, qui ne comprenaient manifestement ni l’euskara ni le français, ont posé quelques questions en espagnol.

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